Contre 19 bassines dans le sud Deux-Sèvres : texte du collectif « Bassines non merci » adressé au parc naturel régional (PNR) du Marais Poitevin

 « Nous sommes un collectif citoyen fort attaché à nos rivières et à notre marais poitevin.

On trouve parmi nous, des pêcheurs, des agriculteurs, des acteurs du tourisme, des enseignants… Bref, des citoyens…, issus de l’ensemble de la société civile et sans appartenance partisane particulière.

Nous sommes fermement opposés aux projets de bassines qui sont en train de fleurir sur tout le bassin versant du marais poitevin .

Nous avons été plus de 650 à participer à l’enquête publique dont deux tiers pour dire et argumenter notre opposition à ces projets et au développement du modèle agricole qu’ils visent à pérenniser sans que cela n’ait en rien influé sur l’avis des commissaires enquêteurs.

Nous étions 1500 le 11 novembre 2017 à Amuré pour former une chaîne humaine autour de l’emplacement prévu pour la méga bassine d’Amuré de 18 ha. Aussi c’est avec un grand étonnement et finalement une colère assez largement partagée que nous avons découvert le communiqué de presse du PNR dans la presse le matin même de cette manifestation.

En effet, nous y apprenons que le bureau du parc soutient, sans ambiguïté et sans préconisation, les projets de réserves dites de substitution.

Est ce le rôle d’un PNR de soutenir ce type de méga infrastructure qui n’a pour seul objectif réel que la consolidation d’un certain modèle agricole productiviste, gourmand en intrant chimique, en énergie fossile et… en eau.

Est ce le rôle d’un PNR de soutenir un projet qui va accroître la pression sur la zone humide, et correspondre à une augmentation significative de l’eau prélevée dans le milieu.

Car, en effet, de substitution, les bassines n’en ont que le nom.

Le principe selon lequel on prélève en hiver pour moins prélever en été devrait correspondre, s’il était réellement question de substitution, 1 m3 cube pris en hiver égale 1 m3 économisé en été.

Or, ça ne marche pas comme ça – Le volume effectivement prélevé dans le milieu sera supérieur au volume prélevé actuellement quand on additionnera volume hivernal et volume estival.

Ce projet est donc un projet de développement de l’irrigation et non de préservation de la zone humide. Et s’il n’ y a pas substitution réelle, l’Agence de l’eau ne financera pas ces ouvrages.

Par ailleurs, dans votre communiqué, nulle allusion à l’écoconditionnalité, nulle allusion à une réduction des intrants qui devraient être la condition sine qua non d’un financement public ;           au contraire, avec ces bassines et le coût de l’eau qu’elles vont engendrer, les exploitants vont devoir réorienter leurs parcelles sur des cultures à fortes valeurs ajoutées (semences, légumes de plein champ, soja …) qui vont nécessiter des intrants bien supérieurs à ceux utilisés pour les cultures de maïs aujourd’hui les plus développées sur les zones alimentées par les bassines.

Autrement dit, en cautionnant les bassines, vous allez conforter l’agriculture la plus polluante, la moins créatrice d’emploi et affecter directement la qualité des eaux de surface et du marais en particulier. C’est l’application du principe « pollueur payé ». Alors expliquez-nous en quoi les bassines sont, je cite « l’occasion de promouvoir une agriculture plus vertueuse tenant compte des enjeux environnementaux ? »

Que diront les mytiliculteurs et les ostréiculteurs quand ils verront en hiver une eau arriver au compte goutte et chargée de pesticides et autres perturbateurs endocriniens ?

Vous dites soutenir l’élevage – fort bien, et en quoi les bassines vont elles soutenir cette activité ? Le maïs ensilage représente moins de 10 % du maïs produit autour des bassines.

C’est un argument fallacieux, voire mensonger : le but des bassines n’est pas simplement de maintenir un potentiel d’irrigation mais bien de l’accroître.

Vous insistez sur l’aspect « gestion collective »

– attention, gestion collective ne veut pas dire gestion publique.

Ce n’est pas en confiant ce bien commun à une organisation professionnelle qu’on peut espérer une gestion dans le sens de l’intérêt général. Une délégation de service public à la compagnie des coteaux de Gascogne serait une véritable provocation après le douloureux épisode de Sivens et la multitude de procédures en cours qui la vise en tant que gestionnaire, avec dans le cas de ce projet un risque de conflits d’intérêt avéré (porteur, rédacteur de l’étude, et futur gestionnaire?)

Gestion publique d’un bien commun : oui. Par des représentants des services de l’état.

Vous dites être sollicités par les services de l’état sur les aspects d’intégrations environnementale et paysagère – Entendons-nous bien : ce n’est pas en plantant trois arbres sur les bassines que cela rendra ce projet acceptable en terme de paysage, car l’effet principal de ces infrastructures est de renforcer la culture intensive et donc de renforcer la désertification de nos plaines et bassins versants

A quoi ressemble le paysage autour des bassines de l’Autize, du Mignon ? À un désert, plus une palisse, plus un arbre – Les derniers espaces où le peu de biodiversité arrive à s’exprimer sont les bords de chemins communaux quand ceux-ci ne sont pas labourés.

Alors on est en droit de se poser la question : quel paysage du 21ème siècle souhaitez-vous construire ? Des champs à perte de vue, avec un sol épuisé, érodé, lessivé, complètement inapte à réagir au réchauffement climatique dont les premiers effets se font déjà ressentir.

Est-ce là l’ambition d’un PNR, ou est-ce la nouvelle stratégie après l’humiliation du retrait du label dans les années 90 : être le premier parc à se voir enlever deux fois son label ?

Mesdames et messieurs, vous le voyez, nous sommes mobilisés, inquiets qu’en soutenant ces bassines vous ne contribuiez à entraîner notre territoire dans une voie irréversible et sans issue, là où nous devrions nous retrouver tous ensemble autour de la table pour construire le monde de demain, un monde avec une agriculture qui nourrit les habitants du territoire, avec des haies, des rivières qui coulent en hiver comme en été.

Un monde où les citoyens pourraient participer à la construction d’un territoire juste, où ces habitants pourraient jouir pleinement de leur environnement, manger des fruits et légumes du marais cultivé par de petites exploitations, se baigner dans la rivière, faire de la barque toute l’année …

Alors nous vous le demandons avec solennité : aidez-nous à stopper ce projet, aidez-nous à réorienter l’argent public vers une agriculture réellement vertueuse et adaptée aux changements violents qui nous attendent si nous continuons à foncer dans le mur.

Les bassines, c’est changer le pansement d’un marais malade de notre gourmandise, là où nous devrions tous agir à penser le changement climatique. »